mercredi 3 octobre 2007

Des cartables et des valises

Qu’est ce qui tourmente la société civile en Mauritanie ?


La société civile mauritanienne est mal à l’aise. Il y a comme qui dirait un courant qui ne passe pas ou qui a des difficultés à passer. La société civile à travers des escarmouches récentes ne donne pas une image de solidarité ou de cohésion. Et pourtant les défis sont nombreux et la solidarité est de mise pour les affronter. D’où vient le mal ?

Essayons d’abord de cerner les contours de ce terme générique que l’on appelle « société civile». Avant de comprendre sa signification actuelle en Mauritanie.

I -la société civile qu’est-ce que c’est ?

Selon la définition de l’ONU, la société civile comprend l’ensemble des entités légales à caractère national, régional ou international autres que les gouvernements fédéraux et les organisations internationales.
Quant à la Banque mondiale, elle désigne par société civile, le « large éventail d’organisations non gouvernementales et à but non lucratif qui animent la vie publique, et défendent les intérêts et les valeurs de leurs membres ou autres, basés sur les considérations d’ordre éthique, culturel, politique, scientifique, religieux ou philanthropique : groupements communautaires, organisations non gouvernementales (ONG), syndicats, organisations de populations autochtones, organisations caritatives, groupements d’obédience religieuse, associations professionnelles et fondations privées. »

Aussi des moyens de financement importants sont mis à la disposition des Organisations de la Société civile(OSC) et cela par une multitudes d’organisation internationales. Il s’agit notamment des Agences d'aide officielle au développement (USAID, JICA, ACDI, BMZ, UE..), des Agences des Nations Unies(OMS , PNUD, UNICEF..), des Banques multilatérales de développement(BIRD, BAD, BED..), des Fondations internationales (Ford, Soros/Open Society, Codespa, Welcome Trust…) des Entreprises internationales (Bosch, Citibank, Coca Cola,Fuller , Deutsch Bank) des Organisations non gouvernementales internationales (Action Aid , Care, Concern Worldwide, Helvetas..) des Organisations confessionnelles ou religieuses internationales, Caritas, World Vision, EZE..)

Tous ces financements orientés vers les organisations de la société civile, sont canalisés dans des projets à moyen ou long terme. Ainsi la banque mondiale, grand financier des OSC a organisé son financement dans les axes suivants : le développement intégré , les Objectifs de développement du millénaire (ODM), la stratégie de réduction de la pauvreté (SRP), l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE), le Développement conduit par les communautés (DCC), l’Intégration de la problématique hommes-femmes, l ‘autonomisation de la voix des pauvres, la gouvernance et la réforme du secteur public, la participation et l’engagement civique.

II- En Mauritanie, qu’est-ce qu’une société civile ?

En Mauritanie, la « société civile » est un paysage d’associations, d’ONG et de structures sociales qui ont toutes pour ambition d’aider au développement.. Un peu moins de mille ONG qui se partagent un espace exigu et dont certaines hantent depuis belle lurette les couloirs du pouvoir.
Les ONG ont pris dans les années quatre-vingts un essor fulgurant. Essor qui s’explique par la situation dans laquelle se trouvait le régime de l’époque après l’ouverture démocratique et l’appel lancé par les autorités pour la participation de la société civile à la vie nationale. Mais aussi et surtout la formidable dynamique de financement les sociétés civiles lancée par les organisations financières internationales. Une « manne financière » qui entraina entre 1990 et 1999 un raz de marée de création d’ONG. Un mouvement similaire s’est d’ailleurs ressenti au niveau mondial puisque les organisations de la Société civile (OSC) sont passées de 6000 à 25 000.
En Mauritanie, le financement n’était pas étranger à la montée en flèche des OSC dont on compte actuellement un peu moins de 1000 !
En effet le système financier international allait déverser durant ces années là et jusqu’à nos jours, un financement aux OSC qui se faisait soit directement soit transitait par l’Etat.

Le nombre d’OSC s’expliquait alors pour grande partie par la volonté d’accaparer ces fonds et moins de réaliser un projet. Les OSC fictives –dîtes ONG cartables ont fleurit comme des champignons. Cette appellation, elles la tirent du fait qu’elles n’avaient aucune structure administrative ou humaine mais se limitaient à un individu itinérant qui l’utilisait pour acquérir les fonds et autres aides accordées aux ONG. L’administration, elle-même complice de ce phénomène délivrait des récépissés d’ONG à tour de bras. ONG fictives qui ne fonctionnaient que le temps d’un financement et entraient en léthargie aussitôt consommé. Et souvent, à force d’être au service du pouvoir, la cartable devenait une valise.
Cette situation avec la complicité d’un pouvoir laxiste qui rémunérait les ONG qui s’alignaient sur sa politique ou sombraient dans le clientélisme perpétuel, avait porté préjudice à d’autres ONG plus sérieuses qui travaillaient dans divers secteurs de la vie civile mais qui ne bénéficiaient pas de l’assistance financière requise notamment celle que gérait l’Etat.
En effet, si l’on prend le cas de la Banque mondiale, celle-ci fournit « une aide financière indirecte aux OSC, par le biais des pouvoirs publics, dans le cadre de mécanismes comme les fonds sociaux et les projets de développement de proximité. Elle finance ainsi diverses activités de développement local (développement rural, santé communautaire, approvisionnement en eau, prévention du VIH/SIDA, promotion des petites entreprises, etc.). La Banque estime à 1 milliard de dollars, soit près de 5 % de son portefeuille annuel, le montant alloué à ces fonds dans différents pays. »
Une manne financière dont, eu égard à la volonté des pouvoirs publics, ne profitaient que les OSC proches du pouvoir ou dans son giron immédiat.

III- D’où vient le malaise et comment y remédier ?

Depuis plusieurs années, certaines ONG mauritaniennes dignes d’égards ont été pénalisées et leur drame était de ne pas être… gouvernementales ! Alors que d’autre se comportaient comme telles et servaient d’antichambre au pouvoir . Ce ressentiment a perduré jusqu’à nos jours et les sourdes dissensions et autres oppositions au sein des organisations de la société civile prend sa source dans ces considérations historiques. L’Etat avait crée une iniquité et un déséquilibre qui avait pour but de diviser pour régner. Ainsi pour faire valoir leurs droits et la place qui leur revient certaines ONG défendent une légitimité par rapport à d’autres soit du fait de leur ancienneté soit du fait du travail social qu’elles ont accompli.
Les pouvoirs publics se doivent de procéder à une véritable « assainissement » des OSC en concertation avec les institutionnels et les professionnels, personnes physiques et morales ,du secteur. Une stratégie publique se doit d’être élaborée en ce sens visant à organiser le secteur des OSC sur deux bases essentielles à savoir la viabilité juridique et financière de l’organisation et la preuve de son activité, d’un côté et l’institution d’une commission indépendante de validation de cette viabilité. En cas de non viabilité et de non-conformité aux critères ci-dessous le récépissé est retiré à l’organisation tout en respectant s’il ya lieu les droits et les obligations des tiers issus de son existence. Ces critères sont :

- Les réalisations effectuées et attestées par les organismes ou les collectivités bénéficiaires durant une période qui ne peut être inférieure à la moitié du nombre d'années écoulées depuis la création de l'ONG

- La production de comptabilités retraçant les financements reçus et leur utilisation

- La présentation d’un organigramme viable et attesté de l’organisation

- Les justificatifs sur l’identité des gestionnaires, leurs fonctions et leurs revenus

- L’identification d’un siège social stable ( production de titre de propriété ou de contrat de location du siège)

- Une comptabilité attestant de la gestion (en recettes et en dépenses) de l’organisation.
Il conviendra, suite à l'assainisement soumettre périodiquement les OSC soit au contrôle des organismes d'Etat (IGE, Cour des comptes) soit à celui de cabinets de contrôle et d'audit indépendants.

L’assainissement du secteur permettra aux organisations de la sociétés civile (OSC) qui participent réellement au développement du pays d’émerger, de supprimer toutes celles qui sont des « coquilles vides » et qui gênent la bonne gestion de ce secteur ; de l’organiser et d’imposer la transparence dans l’allocation et le suivi des ressources allouées.
Il convient aussi d’établir un code de déontologie, effectivement appliqué, des OSC encadrant leurs droits et leurs devoirs dans l’accomplissement de leur mission et permettant de codifier les relations et l’influence que les pouvoirs publics peuvent avoir à leur égard.
Outre qu’elles forment une nébuleuse, les OSC ont souffert jusque-là de la dépendance financière attachée au bon vouloir de pouvoirs publics qui les instrumentalisent dans leur politique, des dissensions internes et historiques qui les divisent, du chevauchement de leurs domaines de compétences et du manque de renforcement en terme de qualifications techniques et professionnelles.

Depuis les dissensions publiques récentes nées, à la suite des inondations de Tintane, entre organisations de la société civile sur ce qui est et ce qui n’est pas, on sait désormais que le secteur souffre d’une fragilité et d’une instabilité évidentes. Il est temps d’y remédier car ce n’est pas par les faiblesses que l’on résout les crises.

Pr ELY Mustapha

5 commentaires:

  1. Excellent ton articl eprof. J'ai vu une fois une dame qui disait avoir une ONG qu'elle voulait céder à quelqu'un pour 50 000 UM.
    C'est ça la Mauritanie, toute une bétise de gens qui veulent bouffer et ilsinventent tout pour vivre.

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  2. Cher prof,
    les ong en Mauritanei sont une catastrophe, depuis d'ailleurs leur création ce sont des moyens pour partager un cadeau appelé subventions et autres financements. Vous avez très bien remarqué cela , mais il faut aussi dire que certaines ONG se sont spécialisées dans le tesfag pour avoir leur part. Très peu d'ONG sont honnêtes tout le reste c'est du nivagh.

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  3. Aucune ONG n'est honnête. Prof vous avez oublié les rapports d'audit comme condition pour l'octroi d'assistance. Je travaille dans une institution internationale et je ne touche plus aux ONG, a part les tres grandes.

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  4. Monsieur la société civile en Mauritanie c'est gens qui se chamaillent tout le temps pour savoir qui va gagner les faveurs du pouvoir. Regradez-les dans la ctastrophe de Tintane chacun veut être le meilleur pour éclispser l'autre.
    Ainsi donc votre proposition d'organiser ce secteur mafieux est vraiment la bienvenue, on espère qu'on vous écoutera inchallah.
    salutations.

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  5. les ong ont été héritées par le colonel Mohamed ould ABDEL AZIZ,et dans le nouveau régime, il utilise son homme lige ,et qui est en meme temps ses oreilles au sein du conseil des ministre,MED MAHMOUD OULD BRAHIM KHLIL:c'est donc ce dernier qui gère en réalité toute cette manne financière;il élit qui il veut,et éloignequi ne lui plait pas

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.