vendredi 12 octobre 2007

Vendre la SNIM :argumentaires officiels et contre-argumentaires

لا ريح مؤاتية لمن لا يعرف إيـن يـذهــب

Les non-dits qu’il faut dire

C’est sûr que le processus de cession de la SNIM va bon train, on sait que l’Etat a besoin de financement . Aussi depuis que la cession d'actions de l’Etat dans la SNIM est devenue une information non douteuse et que les officiels se sont mis à argumenter sur les différents médias, il est important qu’au moins dans cette affaire les responsabilités soient bien définies.
Aussi leur discours tenant à quelques argumentaires ils ne résistent pas à la critique car ils éludent des « non-dits » qui sont davantage importants pour comprendre les enjeux.

Premier argumentaire : Vendre au privé, donc meilleure gestion, meilleurs rendements donc profit pour l’Etat.

Le fondement de l’argumentaire : La rentabilité financière actuelle de ce projet minier lourd est faible. La longueur des transports et la faible quantité produite sont des inconvénients qui n'ont pu être surmontés, faute d'investissements adéquats. Les entreprises minières s'engagent aujourd'hui dans une course aux gains de productivité, qui reposent sur les capacités d'investissement et d'innovation. Aujourd'hui, la rentabilité ne dépend plus seulement du développement du volume de production, mais de la compétitivité de l'entreprise minière face aux leaders mondiaux. La SNIM se doit de s'y soumettre.

Les non-dits de l’argumentaire : La gestion privée de ressources publiques notamment naturelles a montré à travers la planète que cela a toujours été au détriment de ceux qui concèdent aux multinationales cette gestion et particulièrement quand il s’agit de pays en voie de développement. Et cela pour deux raisons fondamentales :

- D’abord d’un point de vue de la rentabilité, il ne fait pas de doute que l’Etat se verra verser des montants conséquents mais à quels coûts? Bien entendu en contrepartie d’une surexploitation des gisements. Cela signifie que la société guidée par un esprit de profit immédiat, profitant des hausses du prix du fer va se livrer à une exploitation effrénée de la ressource minière et l’on sait ce qui va arriver. Ces ressources seront épuisées plus vite, trop vite. Laissant un pays exsangue et des générations futures sacrifiées à un profit immédiat.
En effet, les réserves de minerais de fer étaientestimées , en 2001, à 185 millions de tonnes de minerais d’hématite allant de 60% à 68% de fer et 660 Mt de qualité inférieure de minerais de magnétite allant de 36% à 40% de fer. La SNIM est pour l’instant le seul producteur de concentrés de fer dans la province de Tiris en produisant plus de 12 Mt de concentrés de fer par an, dont la majorité est exportée vers l’Europe. Les gisements de Guelb el Aouj sont estimés à 500Mt de minerais de magnétite. Une accélération de cette production va entrainer d’énormes conséquences sur la durée de l’exploitation et des conséquences dramatiques sur l’environnement naturel et humain.

- Ensuite l’absence de structures de contrôle et de suivi de la production de l’entité par l’Etat hôte (la Mauritanie) entrainera certainement tous les excès. Il existe certes des structures nationales qui ont été mises en place, telles celles issues du projet Prisma chapeauté par le ministère des mines, mais que valent ces structures face aux géants mondiaux et à leurs moyens énormes et incontrôlables de détournements des ressources nationales?

Second argumentaire : Rendre la compagnie plus compétitive en prévision des chutes attendues dans les prochaines années du prix du fer sur les marchés mondiaux.

Le fondement de l’argumentaire : Le fer se vendra mal. La production de la SNIM et décroissante et cela est dû à une mauvaise gestion de ses contrats et à une demande faible du minerai. Il faut donc un partenaire mondial capable de « booster » cette demande et de placer le fer mauritanien sur les marché mondiaux au meilleur prix.

Les non-dits de l’argumentaire : Le fer, au contraire, se vend bien. Les cours mondiaux en attestent même dans la conjoncture actuelle. La demande actuelle est forte et jamais des perspectives de demande de fer dans l’avenir n’ont été aussi prometteuses. La demande asiatique, européenne est américaine est en accroissement continu.
Quant aux grands importateurs de fer, tous les experts s’accordent sur la crise minéralière en chine qui constitue même « une menace potentielle » pour ce pays.
D'après l'administration géologique chinoise, tel que le rapporte le « quotidien du peuple » la consommation considérable des dépôts minéraux et des réserves pétrolières en Chine entraînerait une grave conséquence : dans les trente années à venir, l'offre de minerais sera inférieure de deux à cinq fois à la demande potentielle, ralentissant ainsi le rythme de croissance de l'économie chinoise considérablement. Dans un rapport conjointement signé, le Centre de Recherche globale sur les Ressources minérales et l'Académie chinoise de la Géologie ont brossé le tableau de cette crise.

Le Centre de recherche stratégique sur les ressources minérales du globe prédit que la Chine a besoin de 240 à 260 millions de tonnes d'acier d'ici 2012 - 2014 et aura besoin de 5,3 à 6,8 millions de tonnes de cuivre d'ici 2019 - 2023.
Et ceci comprend seulement la moitié du tableau : le minerai de fer en Chine ne pourra subvenir aux besoins de l'industrie sidérurgique chinoise que pour une durée supplémentaire de vingt ans. Cela signifie que cette dernière aura besoin de 300 millions de tonnes de minerais dans les vingt ans à venir, dont la teneur en fer compterait pour la moitié du dépôt en fer vérifié en Chine.

Guang Fengjun, un expert chinois a déclaré que les ressources naturelles dont la Chine avait le plus besoin comprenaient : le pétrole, le minerai riche en fer, le minerai de manganèse, le minerai de cuivre et la sylvinite. Etant donné que l'importation reste une option, la Chine possède des chiffres d'importation prodigieux dans ce domaine : en 2001, 60,26 millions de tonnes de pétrole, 92,31 millions de tonnes de minerai de fer sous forme de sable, 1,71 millions de tonnes de minerai de manganèse, 2,26 millions de tonnes de minerai de cuivre pur et 5,43 millions de tonnes de d'engrais de potasse ont été importés.

Quant aux prévisions sur la baisse à venir des prix du fer, elles sont contredites par les mesures de restriction que des exportateurs mondiaux de fer sont en train d’imposer à leurs exportations. Ce qui ne manquera pas d’avoir des répercussions certaines sur les prix mondiaux de ce minérai.

Ainsi Afin de protéger les sidérurgistes locaux et d'assurer une production de minerai de fer de qualité, les autorités indiennes ont mis en place une politique nationale en la matière. Dans ce contexte, de nouvelles dispositions ont été récemment prises avec en particulier l'abaissement des quotas d'exportation appliqués au minerai de fer pour les mines de Bailadila qui sont passé mi-2006 de 3 millions tpy à 2.7 millions tpy (tonnes par an) pour les minerais en morceaux (lump) et de 3.8 millions tpy à 1.81 million tpy pour les minerais pulvérulents (fines). Cependant, la baisse des quotas d'exportation ne concerne que les minerais de fer pulvérulents dont le contenu de fer est au minimum de 64%. Pour la Chine, l'Inde est le deuxième fournisseur de minerai de fer après l'Austalie.

D’autre part, suivant « l’usine nouvelle », le brésilien CVRD et le chinois Baosteel ont signé en décembre un accord sur une augmentation du prix du minerai de fer de 9,5 %, en 2007. Depuis, Baosteel s'est également accordé avec les australo-britanniques Rio Tinto et BHP Billiton.

L'accord sur les prix du fer, crucial pour le monde de la sidérurgie, est général. Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) et Baosteel, qui représentait un consortium de producteurs de la République populaire, se sont accordés dès le 21 décembre sur une progression de 9,5 % du tarif du minerai en 2007. Selon un communiqué publié jeudi par CVRD, le nouveau prix de référence de l'unité de fer par tonne de minerai est compris entre 0,7211 et 0,7320 dollar, selon sa provenance, ce qui devrait porter le prix de la tonne de minerai autour de 45 dollars. Depuis 1994, c'est la première fois qu'un accord intervient aussi tôt, relève la banque d'affaires Macquarie.

Et au-delà du comportement des grands pôles minéraliers , il importe de savoir que la monnaie influe sur le prix des métaux .
La faiblesse d’une devise internationale importante telle que le dollar US accentue la volatilité des matières premières. Ainsi la baisse du dollar par rapport aux monnaies des pays producteurs de ressources naturelles peut entrainer des incidences importantes sur les exportation de ces pays et donc sur les prix sur les marchés mondiaux du fer.

Troisième argumentaire : la mauvaise gestion de la SNIM

Le fondement de l’argumentaire : La SNIM est une entreprise qui a besoin d’une meilleure gestion pour se hausser au niveau des standards internationaux et gagner en compétitivité. La cession de son capital en majorité aux privés permettra de rénover sa gestion et de renforcer l’innovation.
Les non-dits de l’argumentaire : La SNIM malgré sa dénomination "d’entreprise publique"est une société anonyme. Son régime juridique est celui d’une société commerciale, elle utilise toute la panoplie d’outils de gestion des entreprises commerciales. De sa comptabilité commerciale à son contrôle de gestion en passant par ses outils d’audit et d’analyse financiers , elle est outillée pour utiliser au mieux ses capacités commerciales , financières et humaines. La Snim figure parmi les 500 première entreprises africaines, elle est soumise à l’audit externe du cabinet Ernst &Young, et d’un audit interne qui touche aussi l’ensemble de ses filiales, elle a acquis d’importantes certifications (AFAQ,)et réalise un plan de formation de son personnel qui est en 2004 avait atteint un taux de réalisation de 46%.

En somme si des défaillances dans la gestion subsistent , la SNIM est une entreprise qui dispose de compétences nationales certaines est capable de les surmonter avec un soutien accru des pouvoirs publics à travers un plan-programme de développement et de rénovation auquel elle pourra financièrement contribuer. C’est autant dire que sur ce plan de gestion, l’introduction d’une multinationale dans son capital n’est pas fondée comme unique solution d’amélioration.

Quatrième argumentaire: besoin de financement public

Le fondement de l’argumentaire : Le budget de l’Etat souffre d’un déficit important et l’Etat a besoin de ressources financières pour continuer à financer ses grands projets d’infrastructure.

Les non-dits de l’argumentaire : Ce dont a besoin l’Etat c’est de couvrir les conséquences financières de la gabegie du passé et d’avoir une assise financière lui permettant de continuer sa politique. Seulement voilà, en pensant vendre la SNIM, l’Etat opte pour les solutions de facilité et pour l’argent facile. Ce qui aurait dû être pensé c’est d’élaborer une stratégie de rationalisation des choix budgétaires, de repenser l’hémorragie financière générée par les grands projets publics et surtout d’opérer un audit des finances publiques.

Un audit qui permettrait de dégager les postes budgétivores en auditant les ressources (en recettes propres et recettes d’endettement intérieur et extérieur), et leur emploi ( dépenses ordinaires et en capital) afin de saisir la réalité budgétaires et de mettre un terme au gaspillage et à la mauvaise gestion des ressources publiques.

Un audit des systèmes d’information budgétaires et financiers s’impose pour saisir ce dont l’Etat dispose ou ne dispose pas.
La preuve éclatante de ce chaos apparaît dans la contradiction entre les chiffres du déficit annoncés par le premier ministre dans son premier discours devant le parlement et ceux publiés par le Trésor public et la Banque centrale.

Un Etat qui ne maîtrise même pas les chiffres de ses finances ne peut s’aventurer à en combler le déficit. Enfin, l’audit permettra de dégager les responsabilités anciennes et nouvelles dans la gestion des ressources publiques afin que se dégage un consensus sur l’origine de tant de déséquilibres et de tant de déficits contradictoires et repartir sur des bases budgétaires et comptables saines. Sans cette garantie, les milliards qui proviendront de la SNIM suivront le cours de la traditionnelle gabegie et de la mauvaise gestion et le déficit réapparaîtra le lendemain et on verra refleurir les palais particuliers et les comptes en Espagne.

Quant au besoin de financement des grands projets de l’Etat (Aftout Essahli..), l’on est en droit de se demander où sont passés les crédits obtenus des banques internationales (dont le dernier vient de banques islamiques) si ce n’est pas pour financer les projets susvisés? Le financement de ces projets ayant été bouclé, les milliards provenant de la SNIM ne leurs seront certainement pas affectés.

Ce qui est encore plus curieux c’est cette focalisation sur la SNIM alors que l’Etat dispose d’autres ressources importantes pour se financer (pèche, pétrole..) tout en accroissant la productivité de la SNIM. La raison est à rechercher ailleurs que dans un fondement économique et financier. Et l’avenir le dira.

Cinquième argumentaire : dynamisation et développement de la région

Le fondement de l’argumentaire : L’implantation de la multinationale, va avoir un effet d’entrainement important sur l’économie locale en terme de financement des collectivités locales, d’emploi et d’infrastructures.

Les non-dits de l’argumentaire : tous les engagements du cessionnaire d’actions de la SNIM, se doivent de faire l’objet d’une convention entre lui et l’Etat Mauritanien or on sait depuis les avenants de Woodside ce qu’il en est de la capacité des pouvoirs publics de négocier dans l’intérêt du pays. Une présomption défavorable qui peut ne pas seulement prendre sa source dans la cupidité de ceux qui négocient, mais aussi dans le poids de l’interlocuteur étranger. Mittal a la capacité d’imposer ses points de vue sinon de faire passer un certain nombre de dispositions en sa faveur ; aguerrie qu’elle est à la prise de contrôle des ressources publiques des pays sous-développés et à la « négociation » avec les fonctionnaires. Mais le plus important dans ce type de convention, ce n’est pas de fixer ce que Mittal a le devoir de faire mais de savoir ce qu’elle n’a pas le droit faire.

Aucun engagement quelconque ne peut imposer à une entreprise liée par la loi de l’offre et de la demande sur le marché de ses produits et par la conjoncture économique de se lier par des constantes, notamment le maintien d’emploi, le maintien d’un bénéfice constant ou même de garantir des conditions de travail honorables pour les ouvriers.

Ainsi récemment a la suite de la condamnation de Mittal steel par le tribunal correctionnel de la Moselle (France), en dédommagement d’un ouvrier qui a perdu la vue dans un accident dans ses usines, les ouvriers ont protesté en soutenant qu’ils regrettent que « la direction de Mittal Steel ne soit pas nommément mise en cause dans cet accident. C'est elle qui, en supprimant des emplois, en sous-traitant au plus bas les travaux et en poussant les cadences, est la principale responsable. » (Lutte Ouvrière n°1923 du 10 juin 2005).

Plus près de nous , le groupe Arcelor-Mittal Algérie prépare un plan social qui se traduirait par la suppression de 3400 emplois selon le syndicat d’entreprise du complexe d’El-Hadjar. C’est ce que rapporte le journal « Libérté » (relayé par algerie-dz.com) qui mentionne : « Devant le mutisme qu’oppose la direction générale d’Arcelor-Mittal Algérie à ses revendications au sujet de la restructuration des organigrammes, le syndicat d’entreprise du complexe d’El-Hadjar se montre de plus en plus virulent. Les représentants des travailleurs accusent ouvertement, aujourd’hui, les responsables du partenaire indien d’avoir mis en branle un plan social dont l’objectif serait de réduire les effectifs du complexe à 5 200 travailleurs avant la fin 2008. » Le nombre des travailleurs actifs au sein du complexe était de 14 000 en 2001, et il est allé en diminuant.

C’est autant dire que tout engagement financier prêtera à caution. Quant aux infrastructures à mettre en place, l’on sait ce qu’il en advient lorsque le nouveau propriétaire des lieux s’installe. Tout investissement sera à la mesure des besoins de l’entreprise pas des intérêts nationaux.

C’est autant dire donc que la signature d’une convention ne garantie pas la suite heureuse des choses. C’est ainsi que relativement à la convention du fer libérien au profit de Mittal steel, les observateurs on pu noter que : « le contrat, de par sa formulation floue et favorable à Mittal, implique que dans la plupart des domaines essentiels, Mittal aura le contrôle de toutes les décisions majeures concernant le développement du projet. Dans le cadre du contrat, Mittal pourra en fait gérer à sa guise tous les objectifs qu’il a annoncés publiquement, et qui, au premier abord, paraissaient dignes de louanges. » (rapport Global Witness 2007).

Les leçons qu’il faut tirer de l’expérience : l'Accord d’exploitation minière du fer libérien conclu entre le Gouvernement du Liberia et Mittal Steel Holdings NV

En guise de conclusion et pour bien comprendre ce que tout Etat risque en négociant avec les multinationales du type de Mittal, nous vous présentons, ci-après, une expérience similaire à celle dans laquelle s’engage actuellement la Mauritanie. C’est l'amère expérience du Libéria relatée par Global Witness à travers l’accord d’exploitation minière conclu entre le Gouvernement du Liberia et Mittal Steel Holdings NV.


Dans cet accord Mittal s’est quasiment arrogé les ressources en fer du Libéria et il fallut pour ce pays renégocier cet accord. Ainsi tout au long de l’année 2006 des négociations ont été entreprises pour que le Libéria puisse regagner une partie de ses droits. En mai 2007 les négociations de cet accord aboutissent enfin.

Les développement qui suivent donnent exactement la dimension des pièges dans lesquels un Etat peut tomber et entrainer ainsi la confiscation de ses ressources naturelles, de ses infrastructure et même de son économie entière cas de la Mauritanie vue sa dépendance économique du Fer.

Dans sa convention avec le Libéria Mital s’est arrogée des droits faramineux et inimaginables. Comme « la liberté de fixer en toute liberté le prix du minerai de fer », « une exemption fiscale très importante de cinq ans renouvelable defaçon illimitée ! », « le transfert à Mittal du port minéralier et des infrastructures ! » etc.
Mittal avait ficelé une convention qui dépouillait le Libéria de sa richesse en Fer. C’est cette convention déséquilibrée qui entraina sa renégociation. Le Libéria a tenu d’âpres et longues négociations pour redresser la barre. Bien que ce pays n’a pas récupéré tous ses droits, il a limité les dégats.


Mais en sera-t-il de même pour la Mauritanie ?

Voici donc ci-après comment le libéria a failli être dépouillé de son fer et ce qu’il a pu récupérer par la renégociation deson accord avec Mittal Steel (actuel Arcelor-Mittal).

Le 28 décembre 2006, au terme d’un long processus de renégociation qui s’est déroulé pendant toute l’année 2006, le Gouvernement du Liberia et Mittal Steel AG ont signé un accord modifié, qui a ensuite été approuvé légalement par le Parlement libérien en mai 2007.


L’accord modifié, qui reformule presque entièrement les modalités de l’accord original, résout les problèmes les plus importants que posait celui-ci et offre au Liberia une vrai chance de retirer des avantages raisonnables du contrat de concession.

Les principales modifications sont les suivantes :

- Le problème majeur de l’accord original était qu’il permettait à Mittal de fixer en toute liberté le prix du minerai de fer. Or, c’est sur la base de ce prix que sont calculés non seulement le taux des redevances, mais aussi, en définitive, les revenus imposables du projet. En outre, la totalité du minerai de fer étant destinée à être vendue aux filiales de Mittal, l’accord incitait à établir un prix de transfert qui revenait à priver le Liberia de revenus conséquents. L’accord modifié stipule que la règle du prix établi objectivement devra être appliquée, c’est-à-dire que le prix sera indexé sur le prix du marché minéralier international.
- L’accord original offrait à l’entreprise une généreuse exemption fiscale de cinq ans renouvelable pour une période illimitée. La conséquence directe de cette disposition était de priver le Liberia de revenus imposables précieux. Cette exemption fiscale a été abolie.
- La structure du capital reste inchangée, mais les obligations du Concessionnaire sont désormais garanties par la société mère. Le ratio capitaux empruntés/capitaux propres de la société ne peut désormais être de plus de 3 à 1, et malgré cette condition, la part du Liberia ne peut être inférieure à 15 % de la propriété.
- L’accord original transférait au Concessionnaire deux biens publics importants du Liberia, à savoir le port de Buchanan et l’infrastructure ferroviaire entre Yekepa et Buchanan. Ces biens sont restitués au Gouvernement du Liberia et Mittal ne possède plus le droit exclusif d’utiliser ces installations.
- La clause de stabilisation était susceptible de compromettre le droit du Liberia à statuer dans des domaines importants de politique publique tels que les droits de l’homme, l’environnement et la fiscalité. L’accord modifié restreint considérablement la clause de stabilisation. Toutefois, cette clause se substitue toujours à la législation libérienne en matière d’imposition sur le revenu, de redevances et autres paiements dus au gouvernement, ce qui n’est pas conforme aux meilleures pratiques internationales.
- Les clauses de traitement équitable ont été supprimées. Leurs dispositions compromettaient la capacité du gouvernement à promouvoir des politiques économiques, par exemple en favorisant les entreprises locales ou en proposant des conditions avantageuses à d’autres entreprises étrangères. L’accord modifié permet à Mittal de continuer à bénéficier des mêmes conditions favorables pouvant être accordées par le gouvernement à tout autre intervenant dans le domaine de l’exploration ou de la production des mêmes minerais, dans des conditions économiques sensiblement identiques. Ce traitement équitable ne peut cependant être rendu rétroactif et n’est valable que par rapport à d’autres producteurs de minerai de fer.
- L’accord porte désormais uniquement sur le minerai de fer et non sur d’autres minerais non déterminés. Le droit d’exploitation d’autres minerais est désormais réservé au gouvernement et non à la société.
- Les dispositions de l’accord original, qui autorisaient la société à mettre en place une force de sécurité privée, ne définissaient pas correctement les limites de l’autorité de Mittal Steel, ni les modalités de fonctionnement de cette force de sécurité. Le nouvel accord stipule que les forces de sécurité privée devront opérer dans le respect de la loi et conformément aux « Voluntary Principles on Security and Human Rights », principes volontaires en matière de sécurité et de droits de l’homme. Même si cette décision constitue une évolution positive, un engagement envers un code de conduite purement volontaire ne permet pas d’atténuer les préoccupations relatives à la procédure de sélection du personnel de sécurité, auxquelles aucune réponse n’a été apportée.
- L’accord modifié respecte les droits des tiers, par exemple les personnes arrêtées par les forces de sécurité ou ayant besoin d’utiliser les infrastructures situées à l’intérieur de la zone de la concession. Toutefois, si ces dispositions protègent les droits actuels d’accès à l’eau pour tous ceux qui vivent et travaillent dans la zone, la portée de ces obligations n’a toujours pas été clarifiée.
- La législation régissant le contrat n’est plus celle du Royaume-Uni, mais celle du Liberia.
- Les obligations sociales ont été renforcées et impliquent des avantages améliorés et mieux définis, par exemple une protection sociale gratuite pour tous les employés de Mittal, plus de postes pour les Libériens et l’obligation de faire occuper au bout de 5 ans tous les postes de cadres supérieurs par des Libériens.
- Le Concessionnaire n’a plus le droit de devenir gratuitement propriétaire de terrains publics en dehors de la zone de la concession. L’accord modifié stipule que l’acquisition de terrains publics en dehors de la zone de la concession est désormais soumise à une négociation en toute bonne foi entre les parties contractantes, si le concessionnaire en fait la demande. Toutes les terres publiques externes à la zone de concession ne sont pas considérées comme faisant partie de la zone de concession.
Les dispositions susceptibles de porter atteinte aux droits des propriétaires fonciers privés, conformément aux droits de l’homme définis au niveau constitutionnel et international, ont été supprimées. Toutefois, la définition de la propriété foncière publique et privée risque de remettre en cause les droits fonciers traditionnels ou coutumiers des personnes et des communautés.

Les modifications sont donc majeures et l'on voit comment dans l'accord initial Mittal avait réussi à accaparer le fer du libéria.


Il faut savoir que quand on entre en relation avec ce genre de multinationales on doit se dire que tout doit être décidé des les premières négociations du contrat initial, il devient ensuite difficile et onéreux pour le pays notamment en voie de développement de récupérer ses biens et ses droits. Ainsi malgré la rénégociation des point sessentiels n'ont pu être modifiés en faveur du pays. Des point qui sont qulifiés comme "s'écartant des meilleures pratiques" en matière contractuelle.Il s'agit de:

- La clause de confidentialité, qui reste inchangée, engage le Gouvernement à accepter des dispositions très strictes de confidentialité et de non-divulgation. Or, cela n’est pas compatible avec l’obligation de transparence liée à l’accès aux ressources naturelles et à la gestion de leur exploitation, surtout dans un pays émergeant d’un conflit, où une administration responsable des ressources naturelles constitue une étape vitale vers une réduction de la pauvreté. Il est possible d’argumenter que l’accord original n’aurait pas été si insatisfaisant s’il avait été divulgué publiquement. L’application de la confidentialité aux contrats au Liberia crée un précédent qui, en l’absence de toute surveillance publique, ouvre la voie à d’autres futurs contrats, minéraliers ou dans d’autres secteurs, qui risquent d’être aussi insatisfaisants que l’accord Mittal original.
- La structure fiscale étrangère de Mittal en ce qui concerne la concession reste inchangée. La conséquence est que la structure fiscale extrêmement favorable établie par la société permet à Mittal de conserver pour elle-même les bénéfices réalisés au Liberia, et compromet la possibilité pour ce pays de créer un investissement local à long terme favorable à son développement.
- La clause limitant le droit du gouvernement à effectuer des inspections sans avis préalable figure toujours dans le contrat et contredit la législation en vigueur dans lesprincipales zones minières du monde.
- Le Concessionnaire conserve le droit illimité « d’enlever, de couper et d’exploiter »gratuitement les arbres, sauf les essences protégées, dans la mesure où celles-ci ne gênent pas ou n’empêchent pas ses opérations.
- Les dispositions de l’accord sur la protection et la gestion de l’environnement ont été supprimées. L’accord comporte désormais une obligation de respect de la loi libérienne sur la protection et la gestion environnementales (Environmental Protection and Management Law of Liberia). Toutefois, l’accord devrait aussi faire référence à d’autres lois telles que les normes sur la qualité de l’air et de l’eau, qui s’appliquent à l’exploitation minière. Il devrait également comporter des dispositions sur les obligations du Concessionnaire concernant la fermeture des mines, la réclamation des terres et la période suivant la fermeture, avec notamment une garantie de la société mère stipulant qu’elle mettra à disposition les fonds nécessaires à la fermeture de la mine. Dans l’accord modifié, la société n’a que des devoirs très restreints en termes de limitation des effets négatifs, des dommages environnementaux et de restauration. Cela revient à restreindre les conséquences et les responsabilités qui devraient normalement être assumées par le Concessionnaire.

La renégociation de l'accord du Libéria avec Mittal Steel a montré qu'une multinationale peut faire "marche arrière" mais comme cela été noté dans le rapport, les véritables avantages de cet accord pour le Liberia ne pourront faire l’objet d’une réelle évaluation que lorsque la société aura commencé ses opérations. La Présidente Sirleaf a déclaré que la renégociation du contrat Mittal pourra servir de modèle aux futurs contrats conclus entre le Liberia et d’autres sociétés, par exemple Firestone, LAC, etc., qui devront eux aussi passer par le même processus de surveillance internationale.

Enfin, voici les recommandations que tout Etat doit prendre en considération avant de signer un contrat avec les multinationales dans le domaine des ressources naturelles.
Ces recommandations sont aussi valable pour tous les Etats notamment ceux en voie de développement et particulièrement pour la Mauritanie dans le processus actuel de cession de la SNIM et que nous reformulons ici pour le gouvernement Mauritanien :

Le Gouvernement doit :

- Veiller à agir avec transparence lors de l’octroi de concessions dans des accords dédiés à l’exploitation de ressources naturelles qui affectent l’intérêt public, et publier ces accords.
- Exiger que des études d’impact social et environnemental exhaustives soient réalisées préalablement à la signature de contrats liés à des concessions d’exploitation de ressources naturelles.
- Veiller à ce qu’une consultation publique soit organisée avec les communautés locales touchées par l’octroi d’une concession d’exploitation de ressources naturelles afin de les informer pleinement de ce qu’implique cet octroi en termes économiques, sociaux et environnementaux et en matière de droits de l’homme, et veiller à l’existence d’un mécanisme permettant de prendre en charge ces préoccupations lors de tout accord futur.
- Le Gouvernement (doit vérifier…) si ses signataires jouissent t de l’autorité nécessaire pour le signer.
- Mettre en œuvre l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) à laquelle il a adhéré

Mittal Steel doit :

- Passer en revue ses politiques actuelles afin d’adopter et de mettre en œuvre une politique plus claire en termes de droits de l’homme et d’environnement, et ce à tous les niveaux des opérations du Groupe Mittal, politique qui se doit de faire écho aux normes internationales en matière de droits de l’homme, y compris à la déclaration universelle des droits de l’homme.
- Garantir l’exécution des obligations contractuelles, des devoirs et des responsabilités de l’ensemble de ses filiales du monde entier.
- Adhérer à l’ITIE et la mettre en œuvre.

La Communauté internationale doit :

- Veiller à l’échange d’informations sur les questions fiscales entre l’ensemble des banques, institutions financières et pays afin de faire face aux impacts négatifs de l’évasion fiscale.
- Formuler un cadre règlementaire multilatéral exhaustif afin d’empêcher et d’enrayer les conséquences néfastes de stratégies telles que la fuite des capitaux, la fixation de prix de transfert, l’évasion fiscale, les paradis fiscaux, les opérations off-shore et les réductions fiscales.
- Encourager les pays hôtes, et surtout les pays en développement, à tenir compte des implications sur leur développement durable à long terme des politiques qu’elles mènent en matière d’investissements étrangers.
- Entièrement soutenir le travail du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies (ONU) sur les droits de l’homme et les entreprises.
- Promouvoir la transparence en offrant un soutien continu à des initiatives telles que l’ITIE.
- Mettre des compétences techniques à la disposition des pays en développement pour veiller à ce que les modèles d’accords (en particulier les modèles d’accords d’exploitation minière) soient équilibrés, c’est-à-dire qu’ils répondent à la nécessité d’attirer les investissement étrangers tout en garantissant le développement durable à long terme du pays.
.
Enfin, si tout cela est vérifié, ce dont nous doutons beaucoup vue la précipitation des pouvoirs publics mauritaniens pour signer le contrat avec Mittal, et si l’Etat Mauritanien tire argumentaire de sa méconnaissance de ce qui l’attendait pour justifier un « mauvais accord », qui aurait emporté l’économie nationale , alors le "non-dit" aura été dit et tiendra en une phrase : "nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude". Même pas l'Etat lui-même.

Nemo auditur..diront les juristes. "Nemo inauditus..." aurait dit le peuple. Mais qui écoute le peuple?

Pr ELY Mustapha

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Note: Maximes juridiques latines:

Nemo auditur propriam turpitudinem allegans: Un plaideur ne peut se prévaloir de sa propre turpitude (de son mauvais comportement fautif) devant les tribunaux répressifs..

Nemo inauditus condemnetur: "Que personne ne soit condamné avant d'avoir été entendu"

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Sources sur l'Accord Libéria-Mittal: Rapport 2007 de Global Witness
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La calligraphie illustrant cet article est de Hassan Massoudy elle transcrit une pensée du Philosoohe Sénèque (4 av.J-C - 65 ap.): "Il n'y a pas de vent favorable à celui qui ne sait où il va". Sénèque
(There is no favourable wind for he who knows not where he is heading. ).Seneca

4 commentaires:

  1. Professeur,
    je crois que votre article et une grande leçon pour ce gouvernment j'espère qu'il va en profiter, en tout cas on vous dit merci pour cet éclairage si bien maîtrisé et si enrichissant.

    Elbou

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  2. Avant tout laissez moi vous presentez en mon nom et en celui de tous ceux qui aiment ce pays,nos condoleances les plus attristés suite à la disparition de votre regrettée mère que Allah l'accueil dans son paradis - Amin
    Chaque fois que je me connecte,je vais directement chercher des nouvelles du pays et votre blog constitue à mes yeux une reference en la matiere,une information sure,certaine,instrutive et fiable .D'ailleurs ,je vous considere un expert des dossiers de la mauritanie ,personne ne connait mieux que vous ce systeme (vos écrits en attestent).Continuer s'il vous plait sur cette voie,le pays a besoin de vous et de vos semblales pour l'interêt supreme de la nation.

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  3. Prof,

    Et si on s'en tenait à produire 11-12 milles tonnes seulememt par an, avec la possibilité d'augmenter à 15.000 tonnes d'ici 5 ans? Je crois avoir entendu le chiffre de 700 millions de dollars. Ceci represente 2 fois ce que nous avons reçu de la vente du pétrole en 2006. Comme vous l'avez indiqué dans votre excellente note (well researched), le risque est que cela soit utilise en 12 mois. Que vendre apres? Il y a peut-etre lieu de faire serieusement l'audit de la SNIM pour faire des economies et augmenter les versements de cette compagnie au tresor. Pourquoi ne pas vendre une des filiales la moins clé. J'ai bien l'impression que les gens n'ont pas reflechi aux consequences, peut-etre omnubilés par quelques commissions, ce qui est normal dans ce monde de la haute finance.

    Le parallele avec le cas Liberien est excellent. La confirmation de la demande croissante de la Chine et de l'Inde, entre autre, a ete benefique.

    Vous etes malgre tout tombe dans le piege de la competition comme justificatif par le Ministre du petrole pour vendre une partie de la SNIM. Reflechissez un peu et vous verrez que ce justificatif ne tient pas la route. C'est un mot balance par le ministre du petrole et des mines qui ne saisis peut-etre pas le pourquoi et le pauve doit etre sous pression de precipiter cette vente. Merci pour la tres bonne analyse

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  4. Prof,

    Je cherche une note que vous aviez faire a la suite de la lettre de Diop à Ely. J'ai relu cette lettre hier soir et j'ai voulu faire le parallele avec votre note la-dessus. Je ne la retrouve pas. Pourrez-vous, s'il vous plait, mettre dans ce site tous vos écrits, même ceux jeunesse si je puis m'exprimer ainsi. La retrospectice est utile parfois pour comprendre les evennements d'aujourd'hui. Merci. Un bon conseil: gardez tout parcequ'un jour il faut bien publier un receuil de tout ça. Imaginez dans 50 ans un chercheur qui voudrait bien savor ce qui s'est passé ...

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.