lundi 23 juin 2008

Au Fonds ....des choses

-
Quels chiffres, croire ?

La question est la suivante :

Pourquoi le rapport, pour 2006, adressé au comité national pour « l’initiative transparence des industries extractives « (CNITIE) fait-il apparaître 208 445 000 dollars, de revenus pour le compte pétrolier alors que le rapport d’audit fait apparaître uniquement la somme de 175 699 512 dollars soit une différence nette de 32 745 488 dollars !

Quasiment 33 millions de dollars ne sont pas trouvables.

1. D’où viennent ces chiffres ?

La méthode :

On a comparé entre le rapport national sur l’initiative pour la transparence des industries extractives pour l’année 2006 adressé à CNITIE, préparé par Le cabinet Ernst &Young (Expert indépendant ) et publié le 31 juillet 2007 , d’un côté,

et le rapport d’audit externe du Fonds national des hydrocarbures effectué par Price Waterhouse coopers présenté le 18 avril 2007, de l'autre.

Les chiffres :

Le rapport 2006, précité, fait apparaître un revenu pour le fond national des hydrocarbures de 208 445 000 dollars répartis comme suit :

Redevances superficielles annuelles : 297 000 dollars
Bonus : 107 861 000 dollars
Profit oil : 88 933 000 dollars
Impôts directs sur les bénéfices : 9 646 000 dollars
Contribution à la formation des agents de l’administration : 1 708 000 dollars

Le rapport d’audit externe quant à lui fait apparaitre un montant de : 175 699 512 dollars dont voici la répartition :

Le commun des mortels remarquera donc la différence entre ces deux montants.
2. Pourquoi ces chiffres sont-ils différents ?

Si l’on s’en tient d’abord à la bonne foi de ceux qui gèrent ces ressources, l’on ne peut qu’en tirer la conclusion qu’une part de ces montants aurait été affectée à des emplois différents ou que les déclarations des sociétés pétrolières sont erronées. Ceci équilibrant cela.


Mais étant des esprits libres, nous ne pouvons pas concevoir que de telles ressources aient pu être ici déclarées et attestées par des cabinets indépendants de confiance internationale (Ernst and Young ) en fin d’exercice de l’année 2006 et qu’ils soient rapportés différemment par un audit externe du Fonds sur la même période 2006 par un autre cabinet d’audit de même renommée (PriceWaterhouseCoopers)..

Aussi nous croyons que ces chiffres sont différents pour une raison essentielle :

Pour établir son rapport 2006 le premier cabinet (Ernest&Young) agissant en tant qu'expert indépendant, a bien reçu les déclarations de versements effectuées par les sociétés pétrolières à l’Etat mauritanien, d’un côté. Et il a aussi reçu les déclarations de versements reçues par l’Etat lui-même, de l’autre. Ceci lui a permis de faire les rapprochements entre ce que les compagnies attestent avoir versé à l’Etat et ce que l’Etat dit avoir reçu des compagnies pétrolières.

Ce cabinet déclare même que « le rapprochement entre les déclarations consolidées des compagnies extractives des secteurs miniers et pétroliers, d’une part et les déclaration de l’Etat d’autre part n’a pas mis en évidence d’anomalies significatives.»

Donc les 208 445 000 dollars de revenus pétroliers reçus par l’Etat sont donc bien appuyés sur les rapprochements des déclarations des parties (Compagnies pétrolières et Etat).


Quant au second cabinet d'audit externe ( PriceWaterhouseCoopers), il n’a tout simplement pas reçu les Etats déclaratifs de versement lui permettant de vérifier la réalité des chiffres en faisant les rapprochements nécessaires. Il s’est tout simplement fié aux montants fournis la Banque centrale de Mauritanie !

En fait PriceWaterhouseCoopers, a complètement éludé la moitié de son travail d’audit, en n’ayant pas la possibilité de contrôler la réalité des ressources versés dans le fonds, en amont, et donc de réaliser un Etat des rapprochements lui permettant de vérifier la différence entre les fonds versés par les compagnies pétrolières et les fonds que l’Etat dit avoir reçu.

Donc, en éludant ce contrôle en amont qui seul permettait de connaître des montants réels versés par les compagnies pétrolières à l’Etat, PriceWaterhouseCoopers a réduit son audit à une congruité.

Cet audit a ignoré les dispositions de l’article 9 de l’ordonnance 2006-008 du 04 avril 2006 qui dispose en son alinéa 3 : « Le rapport annuel (...) inclut l’audit financier du Fonds national des Hydrocarbures (…) et le rapprochement certifié entre le paiement des sociétés et les revenus du fonds. ».

Aussi l’audit de PriceWaterhouseCooper, a tout simplement entériné les chiffres en ressources et emploi fournis….par la banque centrale. Or la banque centrale n’a déclaré à ce titre que 175 699 512 dollars !

Et cet auditeur de déclarer dans son rapport : « Nous n’avons pas obtenu les preuves du respect au 31 décembre 2006 des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance relatives à la publication par le ministère des finances de rapports trimestriels et annuel sur le fonctionnement du fonds. Il s’ensuit que nous n’avons pu nous assurer du rapprochement entre les sociétés pétrolières et les revenus enregistrés dans le compte du fonds. »

Voilà donc l’explication. Le contrôle en amont (montant des ressources reçues des sociétés pétrolières) n’ayant pu être réalisé, l’audit s’est limité à la vérification d’Etats financiers de gestion du Fonds en emploi sur des ressources prédéclarées (sans possibilité de vérifier leur réalité).

3. Quels sont alors les vrais chiffres ?

Voilà une question que chaque citoyen se devrait de poser. Et que d’ailleurs il se pose dans un Etat où la gabegie n’est point absente. Et où tout prête à la suspicion. Ces rapports datant de l’année dernières se devaient d’avoir entrainé un lever de bouclier des institutions chargées de surveiller la transparence des industries extractives , or l’inertie complaisante semble avoir imbu tout le système.
A la question « Quels sont alors les vrais chiffres ? », il convient de répondre avec beaucoup de prudence. D’abord en posant les jalons à sa réponse, avant de fixer les responsabilités, ensuite.


Ce qui milite en l’incertitude des chiffres :

- L’existence des écarts entre les déclarations des sociétés pétrolières et celles de l’Etat, quant aux montants reçus, fait planer une certaine réserve quant aux chiffres finaux. En effet dans le rapport de 2006 , le cabinet Ernest & Young indexe certain écarts entre les montants déclarés par les compagnies et ceux reçus par l’Etat. Toutefois ces écarts t apparus en 2006 parfois en faveur des Compagnies pétrolières (288 000 dollars), d’autres fois en faveur de l’Etat ( 4 972 000 dollars), influencent peu les chiffres globaux déclarés, à moins qu’ils ne soient amplifiés par l’absence de sincérité des déclarations des uns et des autres.

- L’absence de transparence dans l’information sur la gestion du fonds des hydrocarbures. L’auditeur PriceWaterhouseCooper le signale : « Nous n’avons pas obtenu les preuves du respect au 31 décembre 2006 des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance relatives à la publication par le ministère des finances de rapports trimestriels et annuel sur le fonctionnement du fonds. ».

- L’audit effectué par PriceWaterHouseCooper a porté sur un exercice s’étalant sur 6 mois uniquement de l’année 2006. En effet, me cabinet déclare : « Nous avons audité le Tableau des ressources et des emplois ainsi que les notes qui les accompagnent (états financiers) du Fonds national des revenus des hydrocarbures (FNRH) pour l’exercice clos le 31 décembre 2006, premier exercice commençant exceptionnellement le 14 juin 2006 ». Cet exercice ne s’ étalant que sur 6 mois donne une autre réalités des chiffres qui ne seraient donc pas le reflet du revenu annuel du fonds, mais d’un premier exercice de six mois.

Ce qui milite en l’inexactitude des chiffres :

- L’écart constaté entre les chiffres présentés par Ernst & Young (Expert indépendant), et ceux présentés par PricewaterhouseCooper (auditeur), est trop grand pour ne pas laisser planer le doute. C’est à l’autorité chargée de la gestion du fonds de justifier ces écarts. Cela n’est pas encore fait.

- L’amalgame des chiffres, nous retrouvons des appellations qui semblent être des fourre-tout. Telle celle de « primes et bonus », où un montant 100 millions de dollars payés par l’opérateur Woodside a pris place (suite à l’accord à l’amiable intervenu le 6 juin 2006 concernant la révision du contrat de partage de production).Un détail des rubriques apporterait plus de clarté.

- Les revenus des placements bénéficiant d’un contrôle relatif . « Les revenus des placements sont des paiements d’intérêts dont bénéficie le Fonds National des Revenus des Hydrocarbures (FNRH) dans le cadre des opérations que la Banque Centrale de Mauritanie effectue pour son compte sur le marché monétaire international. ». Les placements, leurs modalités et les revenus qu’ils génèrent sont laissés à la discrétion du gestionnaire du fonds. Le projet de loi sur la gestion du FNRH, déposé devant Parlement en 2007, se devait de résoudre cette situation. Sa suite tarde à venir.

- Enfin, les multiples tensions qui existent au niveau des acteurs gérant le FNRH, les procès, scandales et autres accusations portant sur la gestion publique des contrats pétroliers ont généré un environnement peu propice à la confiance.
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En conclusion :

Le respect de l’ordonnance 2006-008 est impératif pour un meilleur respect des modalités de contrôle de la gestion du fonds des hydrocarbures à travers notamment son auditeur externe ainsi que les organismes de surveillance et de garantie de la transparence des opérations sur les hydrocarbures.

L’évaluation de la politique de l’Etat à l’égard des sociétés pétrolières afin de juguler les dérives d’une administration publique encline depuis plusieurs années aux chemins de traverses.


Mais, franchement, peut-on vraiment croire, que face à tant de flux financiers provenant du pétrole et des mines, il n’ y ait pas quelque part un mouvement de malversation qui s’est déjà constitué ? Difficile de ne pas l’admettre. Mais qu’est-ce qui pourrait retenir la main de celui qui soustrait les biens de l’Etat, si ce n’est l’Etat lui-même.
Et l’état de l’Etat laisse à désirer.


Pr ELY Mustapha

3 commentaires:

  1. Prof,

    Excellent et merci pour nos edifier, nous autres moutons de panurges.

    Quelques petits "redressements" comptables:

    - Le rapport de la Commission des hydrocarbures a bien indique que les recettes au titre de l'annee 2006 etaient excactement de 230.476.861,25. Le fameux rapport de d'Ernest & Young pour la CNITIE avait deja rabaisse le montant a 208.445.000 (ou est parti le reste?)

    - Le chiffre de 175.699.512 (encore une dimunition bizarre)est pour toute l'annee 2006 comme la RIM a commence a recevoir les versements vers mai/juin 2006. Ceci pour eviter de dire que les 175 millions ne representent que 6 mois de recettes.

    Il y a lieu pour le tresor de remettre en ligne les rapports de la Commission hydrocarbures au titre de 2006 pour lever certains doutes.

    Question: ou est Diabira Maroufa et sa coalition "Publish What You Pay"? Il n'a jamais parle de rien. Aux dernieres nouvelles, il etait en visite a la SNIM avec beaucoup de boucan. Depuis lors, aucune nouvelle de lui. Cette coalition a t-elle un site?

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  2. Creuse prof, creuse, tu n'es pas au bout de tes peines. L'incoherence et la malhonnete sont les meilleures armes de nos dirigeants.
    Je me rappelle encore ce toubab etabli en mauritanie qui ecrivait a un de ses collegues pour l'inviter a venir s'installer en lui disant:
    "RIM, veut tout simplement dire Rien d'Impossible en Mauritanie".

    Nous sommes les champions de la magouille.

    Hamid

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  3. Prof,

    apres quelque reflexion, cette affaire de 39 ou 55 millions happés par l'air va rester là où elle est, comme le cas de Winfield. Et d'autrs qui n'ont jamais attiré l'attention. Si de tels scandales voient le jour regulierement avec une petite production de 12.000 barils par jour, qu'est ce qui se passe sur d áutrs fronts? Je parle de la SNIM aussi. Les gens vont mettre leurs mains dans la cagnotte et seront excusés parcequ'il y a des cas precedents.Comme l'a dit Hamid, qui peut t'aider a creuser?

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Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.