lundi 20 octobre 2008

La stratégie qu’il faut, là où il faut, quand il le faut.

-
Défendre l’institution pas la personne.

Des membres de la société civile auraient rendu visite à Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Et comme d’habitude la presse officielle, n'a pas fait son travail d’information. Un entrefilet pourtant : Sidioca aurait exprimé sa volonté de défendre publiquement sa gestion. Et voilà.

Un homme séquestré depuis plus de deux mois, privé de ses mouvements et de sa liberté de parole n’aurait eu rien à dire à ceux qui viennent s’enquérir de sa situation que de vouloir faire le bilan de son régime ?

En vérité, si Sidi Ould Cheikh Abdallahi, va justifier son retour sur la base de sa gestion des affaires publiques durant sa présidence, c’est là une très mauvaise stratégie. Car ce n’est pas sur ce plan qu’il aura le satisfécit de qui que ce soit ni la mention la meilleure. Il suffit au lecteur de lire tout ce que l’on pu écrire ici sur les errements politiques économiques et sociaux des gouvernements sous sidioca. La dernière lettre que nous lui avons adressée après son renversement résume les quinze mois d’évaluation de sa politique et de celle de son gouvernement (lire la lettre ici) .

Il ne faudrait pas que Sidioca se trompe de stratégie et se mette à défendre sa gestion. Ce n’est pas celle que nous défendons et c’est prêter le flanc à une critique qui ne sera pas dans beaucoup de ses aspects exagérée.

La stratégie de Sidioca ne doit pas être de dire « j’étais un bon président », je dois donc être réinstallé dans mes fonctions mais de dire je suis le président légal et légitime de la République islamique de Mauritanie et le peuple m’a choisi à 52 % contre tous les détracteurs qui étaient en lice avec moi aux élections présidentielles et qui ont approuvé à l’instar de la communauté internationale mon élection transparente et sans fraude.

Il ne faudrait pas que Sidioca se trompe de stratégie, ce n’est pas le Sidioca gestionnaire que nous défendons et s’il revenait nous le descendrons encore dans nos critiques comme nous l’avons toujours fait de tous ceux qui gèrent notre pays.

Ce que nous défendons c’est le président élu par le peuple et dont le renversement est l’expression du piétinement du peuple et de sa volonté. Car seul le peuple qui l’a élu est habilité dans les formes constitutionnelles à le destituer, pas un militaire légalement limogé.

Que Sidioca, sache que en tant que président de la république, il est le symbole d’une démocratie naissante qui lui a conféré légalité et légitimité. C’est uniquement sur ce plan qu’il doit se battre pour réintégrer ses fonctions.

En effet sa gestion, à travers notamment tous ceux qu’il a nommés aux emplois politiques et administratifs n’est pas brillante, ni ne peut être donnée en exemple. Ses détracteurs y trouveront à manger et à boire pour la retourner contre lui.

D’ailleurs quel président de République en quinze mois de gouvernement pourrait se vanter de résoudre les problèmes de sa nation ? Quinze mois ne suffiraient même pas un ministre pour entamer un programme respectable dans son département.

C’est au bout de plusieurs années que le programme d’un président peut être évalué. C’est à la fin de son mandat que ses réalisations sont comparées avec ses promesses et particulièrement le programme pour lequel il a été élu.

Que Sidioca , ne se trompe donc pas de stratégie. Le bilan de sa gouvernance est fortement mitigé, certes avec quelques points d’éclaircie (« retour des réfugiés, réforme de l’éducation ») mais ce n’est pas cela qui justifierait son maintien en tant que Président.

Si Sidioca se doit de suivre une stratégie , elle serait la suivante :

- Affirmer haut et fort sa légalité et sa légitimité et ne pas en démordre ni accepter de compromission sur ce principe

- Accepter le dialogue pour la sortie de crise en proposant des aménagements institutionnels qui peuvent consister en l’écourtement de son mandat pour organiser des élections présidentielles

- Accepter de donner des garanties pour les putschistes et leurs alliés à travers une amnistie et un retour dans leurs fonctions ou des fonctions similaires

- Accepter d’éloigner sa famille de toutes les affaires publiques et procéder à la régularisation financière administrative ou juridictionnel de l’institution gérée par son épouse. En recourant au règlement à l’amiable et à l’équité.

- Initier un renouvellement des institutions parlementaires par le recours à des élections législatives anticipées.

- Demander à son ancien gouvernement de déposer sa démission et constituer un gouvernement de transition constitué de membre de la société civile

- Initier un vaste programme de dialogue avec les acteurs politiques et sociaux dans des forums nationaux afin de fixer pour le pays des orientations sociales, politiques et économiques concertées et non plus parachutées par les gouvernements successifs.

- S’engager solennellement à associer tous les acteurs politiques à la gestion du pays.

- De se mettre au service de la nation en allant vers les populations et en résolvant leurs difficultés. A sanctionner sévèrement et publiquement la corruption, les dilapidations des biens publics.

- A donner à travers sa personne l’exemple du décideur qui s’adresse par les médias au peuple et qui ne l’ignore pas en se cantonnant dans sa mosquée et son palais à défaut d’une carlingue d’avion.

Toutes les solutions sont possibles dans l’intérêt du pays et la mise à terme de la crise. Mais il ne faut pas se tromper de stratégie. Le président de la république et son retour ne se justifieraient pas par sa gestion précédente (quel président au monde pourrait d’ailleurs en si peu de temps se prévaloir de la sienne ?), mais bien plus que cela : une légalité constitutionnelle et une légitimité populaire que ceux qui l’on renversé n’ont pas.

Pourquoi tenons-nous au retour même conditionné du Président de la République à ses fonctions ?

Simplement parce que si cela n’est pas fait comme préalable à toute solution de résolution de la crise, les putschistes auraient réalisé deux choses qu’il ne faut pas accepter à moins d’une catastrophe pour l’avenir démocratique du pays ;

- Ils auraient piétiné tout un peuple et sa volonté en destituant son président légal et légitime.

- Ils auraient mis fin à une expérience démocratique qui malgré ses errements se doit d’être continuée.

- Ils auraient repris le fil des putschs successifs qui depuis 1978 détruisent le pays. Et n’importe quel soldat n’hésitera plus à faire son putsch à lui.

- Plus une « démocratie « , à l’avenir ne sera plus à l’abri des putsch puisque ce dernier putsch les aurait légitimés au nom d’un argument fallacieux de « redressement » de la démocratie .

Demander le retour, même provisoire, même conditionné du Président de la république et des institutions légitimes est le seul garant de la continuité de la démocratie et la mise à terme du mal de nos institutions, les putschs.

Et si dans un élan radical Sidioca renonce, de son plein gré sans aucune contrainte, à ses fonctions en démissionnant, cela n’empêche nullement la continuité de la légalité et de la légitimité démocratique par la mise en œuvre des articles 40 et 41 de la constitution en vigueur de la République Islamique de Mauritanie :

ARTICLE 40 : En cas de vacance ou d'empêchement déclaré définitif par le Conseil Constitutionnel, le Président du Sénat assure l'Intérim du Président de la République pour l'expédition des affaires courantes. Le Premier Ministre et les membres du Gouvernement, considérés comme démissionnaires, assurent l'expédition des affaires courantes. Le Président intérimaire ne peut mettre fin à leurs fonctions. Il ne peut saisir le peuple par voie de référendum ni dissoudre l'Assemblée Nationale. L'élection du nouveau Président de la République a lieu, sauf cas de force majeure constaté par le Conseil Constitutionnel dans les trois (3) mois à partir de la constatation de la vacance ou de l'empêchement définitif. Pendant la période d'intérim, aucune modification constitutionnelle ne peut intervenir ni par voie référendaire ni par voie parlementaire.
-
ARTICLE 41 : Le Conseil Constitutionnel, pour constater la vacance ou l'empêchement définitif, est saisi soit par :

- le Président de la République
- le Président de l'Assemblée Nationale
- le Premier Ministre.

La légalité toujours, c’est ce que nous défendons. En dehors de la violence, du fait accompli et du piétinement de la volonté du peuple.

Ainsi donc nous ne défendons pas une personne, nous défendons une institution. Les personnes étant éphémères, seules les nations sont durables.

Pr ELY Mustapha

10 commentaires:

  1. C'est tres clair Prof. Vous n'aimez pas Sidioca, vous aimez la Mauritanie.
    Vous n'aimez pas les bidasses, vous aimez la legalite,la legitimite.
    Puisse cette legitimite ne pas bafouer nos valeurs democratiques!

    hamid

    RépondreSupprimer
  2. Prof,

    Je suis entierement d'accord avec la strategie en 7 points que vous avez proposé. Un probleme: il ne doit pas demissionner, car cela serait un precedent dangereux qui affaiblirait les institutions democratiques dès qu'un putshiste en herbe voudrait prendre le pouvoir. Particulierement par gourmandise en cette periode ou la production petroliere va probablement augmenter (Chinguitti augmente son output de quelques 70% - source: la presse british avant-hier). On elit un President, on l'assume jusqu'a la fin de son mandat. Nous connaissons tous que la junte n'a pas laisse Sidioca mettre en oeuvre ses prerogatives et ils ont commencé a le saboter bien avant le 15 eme mois de sa presidence. Un rapport de l'Economist Intelligence Unit, au debut de sa prise de fonction, indicait deja que les militaires influençaient le choix des nominations. Cela se voit par ailleurs: on le critique pour la nomination de quelques RV, on le descend et on reprend les memes RV moins ceux qui se sont rebellés contre cette prise de pouvoir illegale.

    Bravo et we khloummak. Si vous n'existiez pas, il aurait bien fallu vous inventer. Vous nous avez accompagné dans ce processus en nous disant quelques verités et à la fin de la journée vous avez raison sur toute la ligne. Keep it up man. Il faut surtout pas que Sidi demissionne. A-

    RépondreSupprimer
  3. Cher prof
    Encore,bravo pour la clarté et la perspicacité de tes messages,mais permets moi juste de te poser cette question.
    Pourquoi tenir coûte que coûte au retour d'un président dont on est persuadé que le bilan est très négatif(vous le dites vous mêmes) et qu'il y a peu de chance qu'il fera mieux qu'auparavant dans un environnement politique on ne peut plus hostile?Est ce que la légalité prime sur le bien être,la santé et l'éducation de la population?A mon humble avis,la légalité dont vous parlez et que tout democrate se doit de défendre ne se justifie que dans la mesure où elle contribue au developpement du pays et au bien être du peuple;autrement vous aurez toujours des opportunistes qui se feront élire par les moyens connus de tout le monde et de se cacher derrière la légalité pour affamer le peuple et sous developper le pays.C'est un danger,au moins égal à celui des putsches à répitition que vous craignez et que nous redoutons également.Encore que les tracasseries et les difficultés connues par les actuels putschistes seront assez dissuasives pour les officiers militaires,dont la très grande majorité n'est plus interessée vraiment par le pouvoir et même hostile aux coups d'état...
    A+

    RépondreSupprimer
  4. Prof,

    Merci de repondre à A+. Je vois une ou deux choses qu'il ne voit peut-etre pas. Vous pourrez expliquer mieux pour qu'on s'en inspire aussi. Au moins une personne honnete et une question honnete. A-

    RépondreSupprimer
  5. Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse du professeur Moustapha et je suis persuadé que les solutions qu'il avance sont trés interessantes et peuvent aider à sortir le pays de la crise dans laquelle il se debat.Pourvu qu'on prete oreille à ces prpositions et mille fois merci prof.
    Ahmed

    RépondreSupprimer
  6. c'est bien de votre part prof de le soulever et de le souligner:nous ne nous acharnons pas avec tous ces cris et ces manif pour les beaux yeux de sidi ni comme reaction à son travail excellent(et qui ne l'est pas)mais pour que soit etabli à l'ordre la constitution qui c'est vu prise en hotage par une bande de millitaire!

    RépondreSupprimer
  7. Le vieux doit etre libre de dire tout ce qu'il veut. Il n'a pas besoin de convaincre qui que ce soit! Nous savons la verite', tout comme nous connaissons que depuis le 6 Aout 2008, le comite' militaire bombarde notre peuple avec des mensonges. Le vieux n'a pas besoin de nous dire qu'il est le president legitime et legal de la Mauritanie. Tout le monde sait qu'il l'est. Nous savons egalement que le General Mohamed Abdel Aziz n'a jamais ete' elu a' un poste quelconque. Le vieux doit dire sa version des faits.

    Sur un tout autre plan, je ne sais pas de quelle demission on continue de parler. Le Mr. est en prison!!!! IL FAUT D'ABORD ET AVANT TOUT LE LIBERER ET LE RETABLIR DANS SES FONCTIONS AVANT QU'ON PUISSE PARLER DE QUOI QUE CE SOIT.

    RépondreSupprimer
  8. Bonsoir cher prof,

    la verité rien que la verité!Si on pouvait faire 2millions de clones de vous notre cher prof,la mauritanie sera autre chose.
    mille fois merci.

    RépondreSupprimer
  9. Merci Prof. Comme on dit: les hommes meurent et les institutions demeurent. C' est exactement mon point de vue personnel, mais vous l' avez si bien argumenté, mieux que je n' aurai pu le faire a votre place. Si Sidioca n ' est pas idiot (il est certes fourbe) il n' aura d' autre option que de faire autrement. Pour etre plus juste, je crois que la societe ne doit pas toucher au parlement et au senat. Sidioca aura ainsi des adversaires qui ne lui feront pas de cadeau s' il deraille. Et l' obliger meme pour faire des enquetes sur la drogue, l' audit de la gestion anterieure, etablir une commission verite et reconciliation pour nous permettre de mettre derriere notre dos les derives de Ould Taya et de nettoyer le lieu avant 2012. On profitera de cette crise pour nous refaire une santé démocratique. Il faut eloigner les militaires de tout compromis politique sur le futur du pays. Pour acceder au pouvoir, tombons d' accord que c' est seulement a travers les urnes. Mais il faut reconnaitre que sidioca nous a fait du mal. Mais nous devons assumer le choix d' un certain avril 2007. Bonne soiree. A-

    RépondreSupprimer
  10. Cher Prof

    J'ai très bien lu votre belle réponse à ma petite question et je vous en remercie infiniment.
    Vous me disiez,entre autres:
    "...Vous pourriez à juste raison me rétorquer : mais pourquoi ne pas résoudre le problème à la base : refuser le retour de Sidioca, faire de nouvelle élections et avoir un nouveau président ?".

    Ce n'est pas ce que je rétorque,c'est exactement ma position originelle,car je suis pour une solution qui nous débarrasse des militaires,tout de suite et pour de bon,mais je considère que cette solution ne peut pas comporter le retour de SIDIOCA,car les généraux ne l'accepteront jamais(ils l'ont dit !),à moins d'y être forcés militairement,ce qui est pour le moment peu probable et pas du tout souhaitable,compte tenu des effets collatéraux éventuels.La solution que vous prônez,cher prof,je la préfère à toutes les autres solutions,mais sachant qu'elle est irréalisable et que son exigence risque même d'avoir des effets pervers(Aziz qui reste),je l'isole et je me rabats sur une autre que je considère comme un moindre mal pour le pays et qui n'est autre que celle dont vous avez tracé les grandes lignes,en me disant dans votre réponse,ce qui suit:
    "...Je serai d’accord avec vous si une telle démarche devait aboutir au résultat suivant :
    - Instaurer une démocratie pérenne
    - Donner un nouveau président meilleur que le précédent."

    Le premier objectif "Instaurer une démocratie pérenne" est bien réalisable,notamment si:

    -le rôle de l'armée est bien déterminé et spécifié dans la constitution,qui devra être revue pour corriger certaines autres imperfections;

    -les élections se déroulent dans des conditions normales,différentes de celles qui ont abouti à l'élection de Sidioca.
    Quant au 2e objectif,à savoir "Donner un nouveau président meilleur que le précédent.",tu conviendras avec moi,que la probabilité d'avoir un président meilleur que sidioca est proche de 100%,non pas que nos hommes politiques sont excellents et hors pair,loin s'en faut,mais que sidi-avec tous les respects que je lui dois sur le plan personnel-est le plus mauvais président que la Mauritanie ait jamais connu.En une année et demie,nous avons connu sous son règne tous les malheurs du monde:drogue,terrorisme,famine,
    catastrophes naturelles(tintane et tremblement de terre),etc et en face aucune solution à l’horizon.
    Quand à la possibilté,qu'une fois revenu au pouvoir,sidi se ressaisira et corrigera le tir,je pense,cher prof que ce monsieur ne fera rien qui ne lui soit dicté par son entourage immédiat,c'est à dire KB,Waghef,Boidiel et compagnies;des gens qui,rien que pour se venger des "Azizistes" obligeront Sidi à prendre des décisions désastreuses pour le pays.Sidioca,trop faible de nature et très affaibli par le coup d'état ne résistera pas aux pressions de son entourage et continuera toujours ses voyages inutiles à l'étranger!.Notre pays meurtri par 30 ans de gestion laxiste risquera dans ce cas de disparaître,avant 2012 sous l'effet conjugué de la famine,du terrorisme et de la guerre civile.Il s'agit là d'un risque non nul qui existe avec le retour de Sidioca et ne doit pas être négligé par des patriotes honnêtes comme vous pour lesquels ne compte que l'intérêt de la nation.Les autres(pas tous),je comprends leur entousiasme et leur défense de…leurs intérêts.

    Avec mes respects
    A+

    RépondreSupprimer

Bienvenue,

postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.

Pr ELY Mustapha

Nombre total de pages vues

Nombre de visiteurs

Poésie de la douleur.